Bibliographie commentée sur le travail du sexe


Par Cybèle Lespérance et Manon Lilas
CC BY-SA 4.0 – Mars 2022

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Beaucoup de choses ont été écrites et dites sur le travail sexuel. Il y a celleux qui se battent pour leurs droits, qui s’y opposent, qui cherchent à comprendre, qui réfléchissent, qui documentent… 

Cette bibliographie commentée a pour vocation de permettre aux travailleur·ses du sexe, leurs allié·es et les novices de s’y retrouver dans un océan de ressources. Elle a entre autres été rédigée pour répondre à ces questions :

  • J’ai envie de lire sur le travail du sexe, qu’est-ce que vous me conseillez ?
  • Un·e allié·e m’a demandé des ressources fiables pour comprendre la lutte pour les droits, vous avez des idées ?

Le défi que nous tentons de relever, c’est de trouver la ressource qui réponde aux besoins complexes que recouvrent ces deux questions tout en proposant quelques contenus plus accessibles à tous·tes, peu importe leur niveau d’éducation ou leur conscience politique. Certaines personnes se plongent mieux dans un sujet via la littérature, les biographies ou le témoignage. D’autres ressentent le besoin d’avoir accès à des données statistiques ou qualitatives, des enquêtes, des recherches scientifiques. Ces façons de familiariser avec le sujet sont toutes légitimes !

Dans le but de faciliter l’usage de ce document, nous utiliserons quelques symboles afin de faire ressortir certains paramètres :

👠 Auteurice TDSRessource élaborée par des travailleur·ses du sexe, par leurs associations communautaires ou en étroite collaboration avec des TDS.
👍 Débutant·esRessource très vulgarisée, facilement accessible sans connaissances préalables.
💕 IncontournablesRessource fréquemment recommandée, fondatrice ou fournissant un bon socle de connaissances.
📃 ArticleFormat court, article scientifique, quelques pages, etc.
📌 En ligneRessource entièrement disponible en ligne gratuitement.
  AnglaisRessource incontournable ou marquante mais en anglais. 

Il est difficile de classer le tout en catégories figées. Certains documents couvrent plusieurs sujets et pourraient se retrouver à plusieurs endroits. Nous avons préféré éviter les doublons. N’hésitez donc pas à survoler toutes les sections pour trouver ce qui pourrait vous intéresser.

Nous n’avons pas la prétention de faire un inventaire exhaustif. Notre connaissance des ressources sur certaines spécialités comme le strip-tease, le BDSM pro ou même la pornographie est très partielle. Nous avons fait des choix éditoriaux et avons préféré produire rapidement un document basique, quitte à le bonifier au fil des révisions. 

Par exemple, nous avons choisi de ne pas répertorier les œuvres de fiction, à l’exception des auto-fictions TDS. Nous avons choisi de ne pas faire l’inventaire des comptes militants sur les réseaux sociaux. Nous n’avons quasiment pas inclus d’articles scientifiques, à moins que ceux-ci nous aient semblé très marquants ou incontournables. Nous avons aussi évité les témoignages de clients, sauf pour certains domaines de spécialité. Nous avons retiré les ouvrages épuisés et rares, parfois à notre grand regret.

Sociologie, philo et travail social

Sanders, T. et al. Internet Sex Work: Beyond the Gaze. Palgrave MacMillan, 2018.

Analyse exhaustive de l’usage d’Internet par les TDS du Royaume-Uni issu d’une étude académique multidisciplinaire. Sanders a contribué à plusieurs ouvrages sur le TDS et le numérique. Cette étude est la plus récente et a aussi donné lieu à la publication d’un site Internet et de conseils pour l’usage du numérique en tant que TDS. https://www.beyond-the-gaze.com/

📌Simonin, Damien. Le « travail du sexe » : Genèses et usages d’une catégorie politique, Thèse de doctorat de l’université de Lyon. 2016
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01509444v1/document

Construction socio-historique du « travail sexuel » de 1978 aux États-Unis à 2016 en France. Étude de la littérature et entretiens avec une trentaine de militant·es TDS.

👍Mossuz-Lavau, Janine. La prostitution. Dalloz, 2015.

Tant de choses dans un si petit ouvrage ! Pour 3€ neuf et toujours bien distribué, il propose une synthèse des enjeux liés au TDS en France, mais aussi de comprendre le contexte dans lequel s’est inscrit la loi de 2016. Seuls reproches : il date un peu – donc rien sur la loi finalement votée – et c’est écrit petit.

Deschamps, Catherine et Christophe Broqua. L’échange économico-sexuel. Éditions EHESS, 2014.

Actualisation du concept développé par Paola Tabet, application sociologique face à des études de terrain plus récentes. Assez aride, il plaira à celleux qui aiment les textes universitaires en sciences sociales.

👍 Gil, Françoise. Prostitution : fantasmes et réalités: Repères pour le travail social. ESF éditeur, 2012.

Sociologue très impliquée au Bus des femmes, Françoise Gil produit ici une bonne introduction au sujet. Le livre permet donc une approche globale en couvrant de nombreux points et propose des pistes de réflexion. On y retrouve aussi des entretiens avec des TDS traditionnelles (exerçant en extérieur). Notre réserve : publié en 2012 dans le contexte de la Loi sur la Sécurité Intérieure (et donc la pénalisation du racolage et non celle du client), le contexte a beaucoup changé. Les textes sont mêlés à des interviews de TDS. 

👍💕Ogien, Ruwen. Le corps et l’argent. La Musardine, 2010.

Que pourrions-nous faire de notre corps en échange d’argent (GPA, TDS, vente d’organes) ? Peut-on dire que la sexualité est un don de soi sans attente, la sexualité gratuite est-elle un mythe ? Ogien aborde ici l’argent vu comme corrupteur des relations humaines et la crainte que le payant remplace la gratuité et le don. 

Bryen, Stéphanie. Stigmate et métier: Une approche sociologique de la prostitution de rue. France, Presses universitaires de Rennes, 1999.

Sociologie des professions, de la déviance. Étude de terrain entre 1991 et 1998 sur la prostitution féminine en rue à Lille, sous l’angle de la complexité, la capacité d’agir et le vécu des TDS. Les péripathé-praticiennes du « plus vieux métier du monde » tentent d’échapper au stigmate de l’image de délinquante ou inadaptée par la reconnaissance du travail. Ouvrage riche et sans misérabilisme.

Lilian Mathieu

👍💕Le sociologue Lilian Mathieu est sans doute celui qui a le plus écrit sur le TDS et les mouvements sociaux qui l’entourent. Sans jamais se mêler aux mouvements de lutte pour les droits, il a néanmoins formulé des propositions qui se rapprochent de la dépénalisation du TDS assorti d’un fort accompagnement social. Au cours de près de 30 ans d’études et de recherche-action sur le sujet, il a couvert une grande variété d’aspects tels que le côté sociologique, l’approche philosophique, les luttes, les abolitionnistes, etc.  

Très soucieux de sa « neutralité sociologique », il a défendu ses travaux lorsqu’attaqué de part et d’autre, notamment par les abolitionnistes. Il s’est d’ailleurs fritté avec Christine Le Doaré et Mona Chollet – ses lettres à leur intention sont toujours disponibles sur le net.

Il annonce en 2022 dans son « Testament pornographe » avoir fait le tour du sujet et ne plus vouloir y contribuer. Son œuvre est tout de même très instructive et pour beaucoup encore actuelle. Ses ouvrages les plus pertinents à nos yeux sont aussi parmi les plus récents :

Prostitution, quel est le problème? Textuel, 2016.

Sociologie de la prostitution. La découverte, 2015.

La fin du tapin: Sociologie de la croisade pour l’abolition de la prostitution. Éditions les Pérégrines, 2014.

📃📌 La prostitution, zone de vulnérabilité sociale. Nouvelles questions féministes 2002/2, Vol 21, p. 55-75. https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2002-2-page-55.htm

Elizabeth Bernstein

Sociologue américaine spécialisée sur le travail sexuel et la traite des êtres humains, ses textes et ouvrages nous ont marqués pour les perspectives qu’ils apportent au TDS. 

📃📌Bernstein, Elizabeth et Françoise Wirth. « Ce qu’acheter veut dire. Désir, demande et commerce du sexe », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 198, no. 3, 2013, pp. 61-76. https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2013-3-page-61.htm

Ce texte analyse ce qui pousse les clients à acheter des services sexuels et ce que l’État américain met en place pour la rééducation des clients, mesure très semblable aux « stages de clients » instaurés en France par la loi de 2016. Elle souligne sans complaisance que les raisons pour lesquelles les clients vont voir des TDS sont très loin des représentations culpabilisantes et horrifiantes qui circulent dans les milieux abolos.

📃📌Bernstein, Elizabeth. Travail sexuel pour classes moyennes. Genre, sexualité & société, 2009. http://journals.openedition.org/gss/1058

Dans la région de San Francisco, Bernstein étudie l’émergence des femmes issues de la classe moyenne dans la démographie de TDS à l’ère postindustrielle ainsi que l’importance des nouvelles technologies dans ces transitions. Ce texte est marquant de par son analyse de la notion d’authenticité par le concept de travail émotionnel : fait-on semblant ? Porte-t-on un masque ? Quelle est la part de réalité ?

Féminisme

💕Tabet, Paola. La grande arnaque: Sexualité des femmes et échange économico-sexuel. N.p., Editions L’Harmattan, 2005.

A l’aide de nombreuses études sur les rapports HF dans le monde, Paola Tabet développe ici le concept de “l’échange économico-sexuel”. Plutôt que d’opposer le mariage/la relation amoureuse (qui seraient basés sur la gratuité) et la prostitution (basée sur le paiement), Tabet démontre que la grande majorité des relations hétérosexuelles est en fait un échange entre les hommes et les femmes : de l’argent, des biens, un nom, un statut social contre du sexe, du travail domestique/reproductif. Seulement, certains de ces échanges sont vus comme légitimes et n’entraînent pas de stigmates (mariage) alors que d’autres sont vus comme illégitimes et sont donc stigmatisés (TDS). 

💕👍Pheterson, Gail. Le prisme de la prostitution. L’Harmattan, 2001.

Dans ce livre, Peterson développe ce qu’elle nomme le “stigmate de putain” c’est à dire comment la façon dont sont traités les TDS impacte en réalité l’ensemble des femmes en leur imposant un contrôle insidieux de leurs vies, de leurs comportements, de leurs tenues, etc. 

👠📃📌Merteuil, Morgane. Le travail sexuel contre le travail. Revue Période, 2014.

http://revueperiode.net/le-travail-du-sexe-contre-le-travail/

Cet article explore le TDS comme travail reproductif. Merteuil fournit en quelques pages un argumentaire convainquant pour ta pote féministe matérialiste qui n’a pas encore fait le lien entre hétéropatriarcat capitaliste, mondialisation et stigmate de putain. C’est dense mais court et putain d’éclairant.

👠👍Merteuil, Morgane. Libérez le féminisme, L’Éditeur, 2012

Merteuil décrypte les mécanismes de l’oppression capitaliste des TDS en examinant la difficulté à faire reconnaître le TDS comme travail. Après tout, il était difficile dans les luttes féministes de faire reconnaître le travail domestique gratuit comme un travail, servant les intérêts du capitalisme. Ce n’est pas la gratuité qui définit ou non l’exploitation des femmes…

Défense des droits

👠👍💕🇬🇧 Mac, Juno et Molly Smith. Revolting prostitutes: The Fight for Sex Workers’ Rights. Verso, 2018

S’il n’y a qu’un seul livre à lire en anglais, c’est bien celui-ci ! Non seulement il est écrit par et pour les TDS, il est abondamment documenté, il plaira aux académiques mais peut se survoler aussi aisément, on peut y piocher sur des sujets précis et il est diablement politique. Autrices de Grande-Bretagne

👠👍🇬🇧 Gira Grant, Melissa. Playing the Whore: The Work of Sex Work. Verso, 2014

Un ouvrage journalistique ancré dans l’expérience et la défense des droits. Cette perspective est assez rare pour être soulignée. Gira Grant couvre le milieu TDS depuis plus de dix ans dans les médias écrits. Beaucoup plus court que le précédent, ce livre couvre plutôt le milieu américain et les enjeux basiques dans une perspective de travail.

Bonnes pratiques communautaires

Ouvrages interassociatifs qui inventorient des programmes TDS mis en place dans plusieurs pays pour analyser les activités qui fonctionnent en fonction des publics cible.

👠📌🇬🇧 Overs, Cheryl and Andrew Hunter. Making Sex Work Safe. NSWP, 2014.

https://www.nswp.org/sites/default/files/Making%2520Sex%2520Work%2520Safe_final%2520v3.pdf

👠📌🇬🇧 Favet, Lucile. Indoor Sex Work: Analysis and Good Practice Manual on Indoor Sex Work Settings in Seven European Cities. Autres Regards, 2010.

https://d8dev.nswp.org/sites/default/files/indoor_manual.pdf

👠📌🇬🇧 Work Safe in Sex Work: A European Manual on Good Practices in Work with and for Sex Workers, Tampep, 2009.

https://tampep.eu/wp-content/uploads/2017/11/wssw_2009_final.pdf

Histoire des luttes

👠👍💕 Thiboutot, Claire, et al. Luttes XXX: inspirations du mouvement des travailleuses du sexe. Éditions du Remue-ménage, 2011.

Ne vous laissez pas se intimider par la taille de ce recueil ! Assez courts, les textes recensés ont souvent une importance historique ou permettent d’avoir une vue d’ensemble sur une thématique. Plusieurs proviennent d’ouvrages uniquement disponibles en anglais, c’est donc super de les avoir traduits et de faire découvrir tout ce travail. 

👠👍💕 Schaffauser, Thierry. Les luttes des putes. La Fabrique, 2014.

Même s’il évoque l’histoire globale des luttes, Thierry s’attarde beaucoup sur la situation française. Après avoir brossé un tableau général des luttes, il détaille les alliances et les frictions du mouvement avec les luttes LGBT, féministes et syndicales.

👠Amaouche, Malika, et al. Le bus des femmes: prostituées, histoire d’une mobilisation. Anamosa, 2020.

Présente l’histoire de l’une des premières associations communautaires TDS. Une mobilisation inédite des TDS traditionnelles à Paris début 1990, au sommet de la crise épidémique : dans un huit grands cahiers, elles écrivent des lettres pour témoigner de leur situation et/ou interpeller les pouvoirs publics. Une partie des lettres manuscrites sont fac similées et le contexte est bien détaillé. 

Histoire du TDS

Plumauzille, Clyde. Prostitution et Révolution: Les Femmes publiques dans la cité républicaine (1789-1804). N.p., Champ Vallon, 2016.

Académique, engagé, thésard, ce livre permet de retracer ce qui a mené en France à la politique de contrôle du réglementarisme. L’universalisme républicain ayant mené à un ordre moral et politique fondé sur les bonnes mœurs, les filles publiques sont devenues des corps déviants à surveiller, punir, définir et circonscrire. L’analyse est axée sur le genre et l’intersectionalité. Seul ouvrage francophone sur cette période de l’Histoire.

💕 Chaumont, Jean-Michel. Le mythe de la traite des blanches: enquête sur la fabrication d’un fléau. La Découverte, 2016.

Qui n’a pas déjà entendu parler de la fameuse “traite des blanches” et de ces très jeunes femmes européennes enlevées et prostituées par des réseaux criminels au début du XXe siècle ? La panique autour de cela a donné naissance à un comité d’experts chargés de documenter ce fléau afin de permettre notamment la création de lois pour protéger les femmes et les enfants. Dans ce livre, Chaumont s’est plongé dans les archives afin de démontrer que tout ceci n’était que pure invention destinée à faire peur, à blâmer le système réglementariste mais aussi à renforcer le contrôle sur les femmes, leur volonté migratoire, leur sexualité…

👍 Maupré, Agnès et Laurent De Sutter Petite Bédéthèque des Savoirs – Tome 10 – Histoire de la prostitution. De Babylone à nos jours.. N.p., Le Lombard, 2016.

Courte histoire de la prostitution en BD. Superficiel mais intéressant et très facile à lire.

💕 Corbin, Alain. Les filles de noce: Misère sexuelle et prostitution au XIXè siècle. N.p., Flammarion, 2015.

Un livre dense, académique, qui n’est pas accessible à tout le monde… Mais c’est sans aucun doute la meilleure référence en France sur ce sujet, notamment sur tout ce qui a trait aux maisons closes. C’est tellement documenté que c’est presque dommage que Corbin n’ait pas fait la même chose pour le XXe siècle. On peut encore rêver ? 

💕🇬🇧 Walkowitz, Judith R.. Prostitution and Victorian Society: Women, Class, and the State. Allemagne, Cambridge University Press, 1982.

Ouvrage académique mais accessible et structuré pour qui lit bien l’anglais. Permet de comprendre les politiques publiques qui ont marqué l’ère victorienne : les fameux Contagious Disease Acts qui ont mené à la mise en place du réglementarisme en Angleterre. C’est pour l’abolition de ces lois que s’est battue Joséphine Butler, ce qui a fondé l’abolitionnisme de la prostitution qui n’était rien d’autre à l’époque que la dépénalisation.

📌Parent-Duchâtelet, Alexandre-Jean-Baptiste, and Leuret, François. De la prostitution dans la ville de Paris: considérée sous la rapport de l’hygiene publique, de la morale et de l’administration. Paris, J.-B. Baillière et fils, 1836.

Avez-vous déjà entendu l’expression « égout séminal » pour parler des TDS ? C’est Dr Parent-Duchâtelet, médecin spécialiste de l’assainissement et des égouts qui qualifiait les TDS comme un mal nécessaire pour l’hygiène publique à canaliser pour réduire ses nuisances… On lui doit le modèle de la maison close à la française, ce qu’on appellera ensuite le réglementarisme hygiéniste. L’intérêt de ce document est de permettre la compréhension des enjeux médicaux et d’urbanisme de l’époque.

Économie et droit

Nous n’avons pas de recommandation d’ouvrage sur le sujet économie et TDS, mais ce sujet est très mobilisé dans les débats autour de la prostitution. Il s’agit d’imaginer ce que gagnent les TDS et surtout les proxénètes, ce dont les médias raffolent. 

« Une prostituée rapporte 150 000 euros par an à un proxénète. » Patric Jean, 2013. 

On peut penser à l’étude Prostcost de Psytel (reprise dans le « Coût de la virilité » de Lucile Peytavin) qui tente d’évaluer les coûts sociétaux engendrés par le TDS, en incluant ici la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Quels sont ces coûts ? La prise en charge médicale, les coûts de justice, les conséquences sociales directes et indirectes, les coûts humains et l’évasion fiscale. On arrive bien sûr à un chiffre scandaleux – environ 1,5 milliard d’euros annuellement – qui démontre que la prostitution coûte très cher et qu’on gagnerait à donner plus d’argent aux associations qui luttent contre la prostitution. 

Soulignons aussi que le sujet a été investi sous l’angle altermondialiste par ATTAC qui a publié en 2008 le livre « Mondialisation de la prostitution, atteinte globale à la dignité humaine ». Les abolitionnistes s’étaient attachées à démontrer la présence d’un « système prostitutionnel » exploitant les femmes des pays pauvres, en renforçant l’amalgame migration – trafic – traite.

Casado, Arnaud. La prostitution en droit français: étude de droit privé. IRJS Editions, 2015.

Thèse exhaustive et aride qui s’intéresse non pas aux aspects pénalisation/crime, mais à la partie plus contractuelle des échanges économico-sexuels prostitutionnels.

Criminologie

Mainsant, Gwénaëlle. Sur le trottoir, l’État: la police face à la prostitution. France, Éditions du Seuil, 2021.

L’autrice a documenté les mécaniques de l’intervention policière (la « Mondaine ») à partir de ses archives et d’une immersion ethnographique. Un livre qui permet de comprendre la criminalisation et la répression, ainsi que la large marge d’appréciation des policiers dans l’application des lois, selon le statut des TDS et ce qui peut servir les enquêtes. On y ressent particulièrement les tensions entre le statut juridique de victime et celui de coupable. 

Prostitution masculine

Le sujet de la prostitution masculine est assez peu investi. Les ouvrages de sociologie et le témoignage de Weiss commencent déjà à dater mais sont toujours trouvables en occasion en France. Il n’y a guère d’études plus récentes. Le témoignage de Grobotek a été surmédiatisé et des collègues TDS gays ont exprimé des doutes quant à la crédibilité des propos.

👠Grobotek, Clément. Moi, j’embrasse : un ancien escort témoigne. Plon, 2020.

Dorais, Michel. Les cowboys de la nuit : Travailleurs du sexe en Amérique du Nord. H&O,  2003. 

Weiss, Joël. Arraché au trottoir : Le Drame de la prostitution masculine. FeniXX, 1985

Hennig, Jean-Luc. Les Garçons de passe. Hallier, 1981.

Accompagnement sexuel

Essais et documentaires

Nuss, Marcel et Pierre Ancet. Handicaps et accompagnements à la vie affective, sensuelle et sexuelle : Plaidoyer en faveur d’une liberté. Chronique Sociale, 2017.

Ce livre un peu bricolé retrace la création de l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS – appas-asso.fr) et fait le bilan de ses trois premières années d’activité. Intérêt principalement historique.

Assistance sexuelle et handicaps », Françoise Vatré et Catherine Agthé-Diserens, Chroniques Sociale, 2012.

Pendant suisse romand du livre précédent qui permet de comprendre l’émergence de la thématique et la fondation des associations SExualité et Handicaps Pluriels (SEHP –  sehp.ch) et Corps Solidaires (https://www.corps-solidaires.ch).

Nuss, Marcel. Je veux faire l’amour: Handicap, sexualité, liberté. Autrement, 2012.

Manifeste pour l’accompagnement sexuel rédigé par la personne la plus connue en France sur cette thématique. Nuss évoque les freins à la sexualité pour les personnes handicapées, en particulier celles en situation de grande dépendance. Plume cinglante, comme le personnage. C’est suite de la publication de ce livre qu’il fondera l’APPAS et démarrera les mises en relation. 

Témoignages 

Bourdiaux, Guillaume. Guillaume au pays d’Alice: Handicap et sexualité : un tabou français. France, Éditions Feedback, 2021.

Guillaume ne s’arrête pas ici à sa liaison transformatrice avec Alice, escort de son métier. Il nous parle plutôt d’un cheminement tortueux promenant son corps handicapé entre passions, chute et addiction. Au-delà du sous titre racoleur, ce livre explique surtout à ses proches comment il en est venu à être client et on sent que son auteur est toujours en questionnement.

Causier, Pascale. J’ai suivi un accompagnement sexuel et cela devrait être un droit pour tous. Dunod, 2020.

Ce journal d’accompagnement féminin sort un peu du lot puisqu’il s’agit d’une personne valide cherchant à se réapproprier son corps et sa sexualité à la suite de violences sexuelles. Attention ! Certaines scènes posent question d’un point de vue de l’éthique de l’accompagnant – lequel était plutôt un partenaire d’expérimentation – et on y retrouve des actes de sa part que l’autrice n’a pas identifiés comme des violences sexuelles.

ÉtudiantEs

👠👍D. Laura. Mes chères études – Étudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée. J’ai lu, 2009.

Témoignage choc de Laura, étudiante de la classe moyenne, précaire et non boursière. Elle a démarré le TDS de façon isolée, sans connaître les codes ni s’identifier aux travailleuses de métier (putophobie internalisée). Sa parole est d’autant plus pertinente qu’elle illustre les difficultés auxquelles font face les Sugarbabies, notamment celle d’être ciblée par des prédateurs en raison de leur méconnaissance des codes. Postface d’Eva Clouet.

💕Clouet, Eva. La prostitution étudiante à l’heure des nouvelles technologies de communication : distinction, ambition et ruptures: Essais – documents. France, Max Milo, 2008.

Issu d’un mémoire de master, ce livre est l’un des rares qui dissèque le sujet de façon crédible, mais il date un peu. À l’époque, on parlait encore du minitel… Clouet traînait sur les forums où se trouvaient alors les TDS et arrivait à mettre en confiance TDS comme clients. Sa bonne réputation de chercheuse l’a amenée à travailler comme sociologue de nombreuses années au sein d’associations de santé communautaire.

MineurEs

Nous n’avons malheureusement pas encore lu ces ouvrages. Le premier est strictement juridique, tandis que le second s’intéresse spécifiquement à la traite des mineurEs, sur laquelle Lavaud-Legendre a écrit de nombreux ouvrages et textes académiques. Michel Dorais est un sociologue très réputé, mais l’ouvrage traite plutôt de la situation canadienne dans le contexte du crime organisé. Enfin, l’ouvrage de O’Connel-Davidson est très académique et hermétique, et sans doute le plus documenté au niveau international. 

Jouenne-Peyrat, Noëlie. L’encadrement pénal de la prostitution des mineurs. Editions L’Harmattan, 2021.

Lavaud-Legendre, Bénédicte et Alice Tallon. Mineurs et traite des êtres humains en France, Chronique Sociale, 2016.

Corriveau, Patrice, and Dorais, Michel. Jeunes filles sous influence: prostitution juvénile et gangs de rue. VLB, 2006.

🇬🇧 O’Connell Davidson, Julia. Children in the Global Sex Trade. Wiley, 2005.

Colonialisme

💕Christelle Taraud est une historienne et féministe française spécialisée sur les femmes, le genre et les sexualités en contexte colonial. Ses prises de position en tant qu’alliée et son érudition en font une référence plus que crédible sur le sujet de la prostitution coloniale.

Taraud, Christelle. La prostitution coloniale: Algérie, Tunisie, Maroc (1830-1962). Payot, 2003.

Collectif. Prostitution coloniale et post-coloniale, La Colonie, La Découverte, 2015.

Migration… et traite des êtres humains

Nous avons longuement débattu sur le fait de faire une section commune pour présenter les ouvrages sur le TDS transfrontalier, les migrations et la traite des être humains (TEH) à des fins d’exploitation sexuelle. Avez-vous déjà entendu dire que 83/90/93 % d’entre nous seraient forcéEs ? Il s’agit en fait de données sur la proportion de migrantEs parmi les TDS en rue. Il y a peu de données pour la France (autour de 7% selon le chercheur Nicola Mai), mais mais les estimations de pays de l’OCDE sont plutôt de 4-10%, ce qui est déjà déplorable, évidemment. 

Le TDS est souvent une option de choix pour les migrantEs, en particulier les femmes, lorsqu’iels ont peu accès au marché du travail « classique ». Force est de constater que beaucoup d’entre elleux cumulent des facteurs favorisant les situations de dépendance à des tiers et d’exploitation : dettes auprès de passeurs, arrivée au pays sous la contrainte, situation irrégulière ou administrativement précaire, barrières culturelle et linguistique, transidentité, extrême précarité…  

Cependant, l’amalgame entre migration et traite n’aide pas à comprendre le phénomène, à identifier les victimes et à mieux les protéger. Au contraire, il justifie souvent des mesures répressives à l’encontre des TDS migrantEs et de leur entourage, les précarisant et menant parfois à leur incarcération voire leur déportation.

S’il ne nous a pas été possible de séparer les thématiques, c’est précisément parce que la majorité des ressources s’attachent justement à disséquer et déconstruire cet amalgame à partir des études de terrain. Leurs recommandations sont donc précieuses tant pour lutter contre le TEH que pour comprendre les contraintes qui touchent tout particulièrement les TDS qui ont un parcours migratoire.

📃📌🇬🇧 Anti-Trafficking Review. Global Alliance Against Traffic in Women, 2012- . https://www.antitraffickingreview.org/

Publication scientifique évaluée par comité de lecture en libre accès. Ce journal est publié annuellement et le sujet de la traite à des fins d’exploitation sexuel y est largement couvert. Possibilité de s’y abonner, bonne façon de se tenir à jour sur la recherche académique. 

💕🇬🇧 Agustin, Laura María. Sex at the margins : migration, labour markets and the rescue industry. Royaume-Uni, Bloomsbury Academic, 2007.

Laura Maria Agustin est une anthropologue américaine des migrant·es sans papier·es, elle a un blog (www.lauraagustin.com) et est très active sur les réseaux sociaux.

💕🇬🇧 Doezema, Jo. Sex Slaves and Discourse Masters: The Construction of Trafficking. Royaume-Uni, Zed Books, 2013.

Ouvrage de référence dans l’analyse critique des discours sur la migration, la globalisation et l’exploitation sexuelle.

Lavaud-Legendre, Bénédicte. Prostitution nigériane. N.p., KARTHALA Editions, 2013.

Avocate et chercheuse en sociologie et sciences du droit, Lavaud-Legendre a publié une multitude d’articles et d’ouvrages étudiant de façon extensive les liens entre migration et TEH. Nous ne mentionnons que cet ouvrage, mais ça vaut la peine de fouiner un peu dans sa bibliographie : https://cv.archives-ouvertes.fr/benedicte-lavaud-legendre

Milena Jakšić

Experte francophone sur le sujet de la construction des victimes de traite, Jakšić décortique la question de l’exploitation sexuelle sous l’angle de la sociologie du droit et de l’anthropologie de la violence. Comment se construit l’identité de victime ? Comment les institutions et les associations les conçoivent-elles et quel impact cela a-t-il sur leur identification, leur prise en charge et la défense de leurs droits ? Comment les représentations des victimes – jeune femme étrangère innocente, enlevée/dupée par des réseaux, mise sur le trottoir de force – sont-elles iréalistes et quelles sont les conséquences de cette image d’Épinal ? Comment est-ce instrumentalisé dans les débats sur l’abolition de la prostitution ? Voici ses principaux textes et ouvrages sur la question.

💕La traite des êtres humains en France: de la victime idéale à la victime coupable. CNRS éditions, 2016. 

💕Devenir victime de la traite. L’épreuve des regards institutionnels. Le Seuil. Actes de la recherche en sciences sociales, 2013

👍 📃📌 Figures de la victime de la traite des êtres humains : de la victime idéale à la victime coupable. Cahiers Internationaux de Sociologie, Presses Universitaires de France, 2008. https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2008-1-page-127.htm

Essais

👠👍Melkor-Kadior, Bebe. Balance ton corps – Manifeste pour le droit des femmes à disposer de leur corps. Groupe CB, 2020.

En partant de son témoignage, son expérience et son militantisme, Bebe présente sa vision féministe pro-sexe adaptée à notre époque. Les plus politisées trouveront peut-être le texte trop personnel et « facile » mais beaucoup de non-TDS ont témoigné qu’il leur avait ouvert les yeux sur d’autres facettes du TDS.

👍Verduzier, Pauline. Vilaines Filles. Éditions Anne Carrière, 2020.

Suivez le cheminement d’une journaliste féministe qui questionne son propre rapport à la sexualité au fil des rencontres avec une variété de TDS. Les enjeux politiques et le contexte récent ne sont pas en reste. Un dialogue fertile où les paroles et vécus putes sont bien valorisés.

Témoignages, bédés et récits littéraires

Notre sélection des livres qui nous ont marqués, des figures les plus importantes et d’ouvrages plus récents. Nous vous invitons à regarder leur quatrième de couverture pour choisir ceux qui vous conviennent le mieux !

👍💕 Tan. TDS – Témoignages de travailleuses et travailleurs du sexe. Au Diable Vauvert, 2022. 

👍💕 Klou. Bagarre érotique. Récits d’une travailleuse du sexe. Anne Carrière, 2022. 

D’avril, Mathilde. 300 € de l’heure : le prix de ma liberté. Max Milo, 2022 

Belin, Soisic. Le Jour où je suis devenue escort 2.0. N.p., Albin Michel, 2021.

Becker, Emma. La Maison. Flammarion, 2019.

Douru, Muriel. Putains de vies ! Itinéraires de travailleuses du sexe. Boîte à Bulles, 2019.

Montis, Cléo de. Même pas mal. Filosphere, 2017.

💕 👍Despentes, Virginie. King Kong théorie. Grasset, 2015.

Sabrina. Escort. Grasset, 2013.

Carthonnet, Claire et Claude Mendibil. J’ai des choses à vous dire: une prostituée témoigne. Robert Laffont, 2003.

Arcan, Nelly. Putain. Le Seuil, 2001. 

À propos de Grisélidis Réal…

Écrivain – Peintre – Prostituée. Grisélidis Réal se prostitue en Allemagne dans les années 60. Incarcérée pour avoir vendu de la marijuana, elle se met à écrire et peindre en prison. Elle publie son autobiographie Le noir est une couleur puis La passe imaginaire qui est l’une des premières oeuvre littéraires putes à être publiées et largement diffusées. À Paris, elle se joint aux débuts du mouvement de lutte des prostituées et participe à l’occupation des églises en 1975. Elle retourne ensuite dans sa Suisse natale fonder l’association Aspasie, laquelle est toujours en activité. Tout au long de ses trente ans de carrière et ensuite, elle amasse une énorme collection d’archives qui se trouve maintenant au centre de documentation qui porte son nom.

Visible et audible dans les milieux universitaires et intellectuels, elle conçoit la prostitution comme « un art, un humanisme et une science », mais surtout « un acte révolutionnaire ». Précurseure, son œuvre est bien connue d’une certaine génération, mais certains aspects ont mal vieilli. Par exemple, elle ne se définissait pas comme féministe et la misère sexuelle des hommes est l’une de ses thématiques centrales. On lui reproche aussi sa fétichisation des hommes noirs, son effacement de la prostitution masculine et sa faible réactivité quant à la réduction des risques dans le contexte de la crise VIH/Sida. À lire dans le prisme de son époque, donc. 

Les TDS apprécieront sans doute son Carnet de bal d’une courtisane, qui donne immanquablement envie de s’en démarrer un ! 

Lois et traités

Prostitution

Proxénétisme

Traite des êtres humains (TEH)

  • Code pénal : Section 1 bis : De la traite des êtres humains … (Articles 225-4-1 à 225-4-9)
  • Protocole de Palerme : Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. ONU, 2000. La France a ratifié cette convention en 2002

Rapports institutionnels et gouvernementaux

IGAS, IGA et IGJ. Évaluation de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Décembre 2020. https://www.igas.gouv.fr/Evaluation-de-la-loi-du-13-avril-2016-visant-a-renforcer-la-lutte-contre-le

Tout est dans le titre, mis à part cette précision : le rapport se focalise non pas sur les résultats concrets sur le terrain, mais sur le déploiement et la mise en œuvre de la loi de 2016. On retient une augmentation des affaires de proxénétisme, ce qui ne veut pas forcément dire qu’il y en a plus, mais peut refléter une plus grande activité policière.

Haute Autorité de Santé, État de santé des personnes en situation de prostitution et des travailleurs du sexe et facteurs de vulnérabilité sanitaire, Évaluation de santé publique, 2016. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2615057/fr/etat-de-sante-des-personnes-en-situation-de-prostitution-et-des-travailleurs-du-sexe-et-identification-des-facteurs-de-vulnerabilite-sanitaire

Revue de littérature sur les sujets de santé étudiant plusieurs pays avec des législations différentes avec l’avis de personnes issues d’associations travaillant avec des TDS ou de soignants accompagnant des TDS. On y retrouve des données sur la consommation de substances (alcool, tabac, cannabis, etc.), la santé sexuelle et la prévention, la santé mentale, les violences, etc. Bonne analyse des facteurs de vulnérabilité tels que la traite, l’isolement au début de l’activité, la précarité, etc. 

Inspection Générale des Affaires Sociales. Prostitutions : les enjeux sanitaires. Décembre 2012. https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/RM2012-146P_sdr_Sante_et_prostitutions-2.pdf

Approche globale de la santé des TDS : accès à la prévention et aux soins, obstacles rencontrés, complexité des contextes de vie et/ou façons d’exercer, violences (institutionnelles, de la part des clients, des proxénètes…), etc. Ne tombe pas dans les simplifications et la généralisation. Traite aussi de l’impact des lois (notamment la Loi de sécurité intérieure – racolage) sur la possibilité pour les associations d’aller à la rencontre de ces publics (mouvement géographique, méfiance…)

Geoffroy, Guy et Danielle Bousquet. Rapport d’information […] en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la prostitution en France. Assemblée nationale, 2011.

https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3334.asp

Ce rapport parlementaire de 400 pages a largement préparé le terrain pour la loi de 2016 en recommandant la mesure de pénalisation des clients et l’abrogation du délit de racolage. On ne vous recommande pas de le lire : c’est un gros ramassis de lieux communs, de stéréotypes voire de fausses données. Il a son importance historique, surtout. Et 10 ans plus tard, Bousquet sénatrice s’acharne désormais sur le porno, dans la continuité de sa croisade anti TDS…

Abolitionnisme

Dans le contexte du travail sexuel, l’abolitionnisme est une idéologie prônant la disparition de tout travail sexuel et en particulier la prostitution. Il y a souvent une confusion quant au vocabulaire employé. Les personnes se réclamant abolitionnistes peuvent elles-mêmes prôner des choses différentes :

  • Abolir la prostitution via la répression des clients et des intermédiaires
  • Abolir la prostitution de façon pragmatique, en luttant contre les inégalités et la précarité et en soutenant les TDS
  • Abolir le système capitaliste et le travail, d’un point de vue révolutionnaire.

De nombreux·ses TDS peuvent ainsi avoir une position abolitionniste quant à leur travail. 

À l’origine, l’abolitionnisme est un mouvement de l’Angleterre victorienne dont la figure la plus connue est Josephine Butler (1828-1906). Ce mouvement militait contre les « Lois sur les maladies contagieuses » visant à protéger les armées des maladies vénériennes. Inspirées du modèle réglementariste français (les maisons closes), ces lois instauraient des contrôles hygiéniques et emprisonnaient de longs mois les femmes trouvées porteuses d’IST dans des prisons hospitalières. Il s’agissait alors de faire abolir cette législation spécifique à la prostitution.

De nos jours, les personnes se réclamant abolitionnistes de la prostitution ont plutôt pour ambition de mettre fin à la prostitution elle-même, à l’éradiquer. Pour atteindre cet objectif, elles cherchent à renverser le point de vue selon lequel les prostituées seraient des délinquantes et les positionner en victimes. De ce point de vue, un·e travailleur·se du sexe ne devrait jamais être pénalisé·e. Puisque la prostitution est un fléau, l’abolitionnisme contemporain considère les clients et les intermédiaires comme coupables et prône leur répression par le biais du droit pénal et criminel. C’est ce qu’on appelle parfois le modèle nordique ou le modèle suédois, tel qu’on le retrouve en France et au Canada. C’est pour cela que l’on dit parfois que l’abolitionnisme est une forme de prohibitionnisme. Même si les travailleur·ses du sexe ne sont plus directement pénalisé·es, leur activité et tout ce qui l’entoure l’est, ce qui complique à la fois leur travail mais aussi leurs conditions d’existence. 

L’abolitionnisme n’est pas une posture scientifique, mais un point de vue militant. Cependant, il n’est pas rare d’ouvrir un livre d’apparence sérieuse sur la prostitution et de tomber sur un ouvrage reposant entièrement sur ce point de vue. Les militants abolitionnistes sont prolifiques et leurs ouvrages sont diffusés de façon stratégique. Ils ont notamment investi le champ institutionnel, le travail social, le féminisme, la sociologie, l’altermondialisme, etc. 

Les ressources suivantes proposent un point de vue critique sur l’abolitionnisme :

💕 Mathieu, Lilian. La fin du tapin: Sociologie de la croisade pour l’abolition de la prostitution. Éditions les Pérégrines, 2014.

📃 Chaumont, Jean-Michel. Le militant, l’idéologue et le chercheur. Le Débat, 2012, no 5, p. 120-130.

David, Marion. Santé mentale et usage idéologique de l’“état de stress post-traumatique” dans les discours sur la prostitution et la traite. Recherches sociologiques et anthropologiques, 2008/1. 

Dans ce texte, Marion David remet en cause l’utilisation systématique de la “psychiatrisation” dans la lutte contre la prostitution. ELle analyse comment cette facon de faire est utilisée pour décrédibiliser la parole des TDS et des associations de santé communautaires non-abolotes

Ensuite elle critique l’utilisation du PTSD notamment dans les études de Farley : méthodologie douteuse, échantillon pouvant présenter des PTSD lié à d’autres choses, etc. 

Plutôt que de lister tous les ouvrages liés à cette idéologie, nous avons préféré vous présenter ses auteur·ices les plus fréquemment cité·es, avec une brève analyse critique de leur production. 

Catharine MacKinnon (1946-) : Féministe radicale américaine engagée sur la lutte contre les violences sexuelles par le droit : définition légale américaine du harcèlement sexuel et reconnaissance du viol comme crime de guerre. Elle conçoit la pornographie serait foncièrement dégradante, déshumanisante, sexiste, violente et liée à la traite des êtres humains. Ses apports théoriques aux positions anti-TDS sont parmi les mieux argumentés. 

Andrea Dworkin (1946-2005) : Féministe radicale lesbienne américaine prolifique. Elle voit la manifestation de la suprémacie masculine dans le viol, la violence, la prostitution et la pornographie. Elle a elle-même exercé une prostitution de survie. Son activisme et ses écrits sont pamphlétaires et incendiaires. 

MacKinnon et Dworkin ont beaucoup milité ensemble. Elles sont les figures de proue du mouvement anti-pornographie des années 1980, dont l’opposition a mené aux « Sex Wars » et à la création du féminisme pro-sexe ou sex-positif. 

Mélissa Farley : (à compléter) En attendant que nous ayons rédigé cette notice, vous pouvez consulter sa page Wikipédia. Son article le plus cité, sur la question du syndrôme de stress post-traumatique : Prostitution and Trafficking in Nine Countries

Richard Poulin (1952-) : Professeur de sociologie canadien présenté comme l’expert francophone du sujet. Il n’a pas lui-même fait d’études de terrain, il a plutôt compilé les études des autres de façon sélective. Lire Poulin, c’est se faire biberonner à tous les clichés possibles et imaginables. Si vous connaissez une statistique merdique et monstrueuse sur le TDS, c’est sans doute lui qui l’a amplifiée et diffusée. Dans les audiences d’un jugement constitutionnel canadien, la juge a trouvé ses affirmations trompeuses et incorrectes, notamment parce qu’il ne retient pas les informations qui contredisent son point de vue. Avec autant de caca, on se demande comment il a pu avoir un diplôme et enseigner.

Judith Trinquart : Ancienne secrétaire générale du Mouvement pour l’abolition de la prostitution et de la pornographie (MAPP), elle rédige en 2002 une thèse de médecine suite à un stage à l’association communautaire Bus des femmes « La décorporalisation dans la pratique prostitutionnelle : un obstacle majeur à l’accès aux soins », laquelle est abondamment citée dans la littérature abolitionniste. Cette lecture est une perle et devrait être obligatoire pour entrer dans l’Abolitionnisme Club. 

Muriel Salmona (1955-) Psychiatre française, présidente et fondatrice de l’association Mémoire traumatique et victimologie. Elle se fait connaître pour sa pratique et ses écrits sur le traumatisme, le stress post-traumatique, la mémoire traumatique et la dissociation. Le problème, c’est qu’elle part en vrille en rejoignant le collectif Abolition 2012, reprenant les idées de Trinquart sur les violences dans l’enfance et la décorporalisation. Elle contribue largement à diffuser en français les travaux de Mélissa Farley. Comme Poulin, elle n’a pas réalisé d’étude de terrain sur le sujet, mais utilise son statut d’expert pour diffuser des données non ou délibérément mal sourcées. Le gros problème ses travaux sur la prostitution (en plus de ne pas être publiés dans des revues à comité de lecture), c’est que les concepts auxquels elle se réfère sont reconnus dans le domaine de la psychologie, mais la manière dont elle les assemble en les tissant d’hypothèses jamais vérifiées rendent le tout pseudo-scientifique. C’est d’ailleurs ce que lui reprochent désormais beaucoup de critiques sur son militantisme contre l’inceste et les violences sexuelles infantiles… Ce qu’elle qualifie bien sûr de harcèlement à son encontre.

Fondation Scelles // Yves Charpenel – Souvent cité comme référence en ce qui concerne le TDS, notamment dans les institutions. Sort régulièrement un “rapport mondial” à propos du système prostitutionnel. Mélange de chiffres d’associations de terrain et de chiffres sortis du chapeau, auto-sourçage, reprise des éléments d’une année sur l’autre sans plus de recherche, etc.

Cette section reste à être complétée, merci de votre patience !

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